
Affranchissement des femmes, conviction qu’il n'y a pas de nature féminine si ce n’est celle que la coutume a construite, foi dans la liberté de chaque individu à être son propre guide contre le conformisme ambiant : telle est la philosophie d’Harriet Taylor, et il y a encore à découvrir !
- Michèle Le Doeuff, philosophe
Née en 1807, à Londres, Harriet Taylor Mill connaît la malédiction d’être une “femme de”, celle du philosophe John Stuart Mill, connu pour ses écrits sur le libéralisme et sur l’assujettissement des femmes.
Toute cette semaine, on a mené l’enquête Harriet Taylor Mill, et elle se clôt aujourd’hui avec l’une des rares philosophes à lui avoir consacré plusieurs pages il y a 25 ans, celle qui fut universitaire, Maitre de conférences à l'ENS de Fontenay et directrice de recherche au CNRS : Michèle Le Doeuff.
"J'ai découvert Harriet Taylor Mill par hasard et par accident, bien entendu comme les meilleures choses dans la vie ; un jour, je suis tombée sur un petit recueil de morceaux choisis qui donnait des textes en disant qu'il s'agissait de textes de Mill et de Harriet Taylor, mais c'était un peu en pagaille, on n'arrivait pas à s'y retrouver. Je l'ai tout de même lu, en me disant qu'un jour je m'occuperais de cela. Au moment où j'allais être nommée à Genève et où j'allais enseigner des études féminines, je me suis dit qu'il fallait peut-être creuser la question." Michèle Le Doeuff.
"Si c'est comme ça, il faut que j'aille à fond dans cette question"
"J'ai trouvé à ce moment-là un ouvrage extrêmement utile, un recueil d'articles sur l'égalité des sexes donné par Harriet Taylor et Helen Taylor, sa fille, et pendant que je travaillais tout cela, je rencontre un vieil ami à moi, Raymond Kidanski, un érudit comme on en faisait au début du XXe siècle en Allemagne, qui sort de sa bibliothèque le livre de Harriet. Avec tout ça, je commence à travailler. Je fais mes cours à Genève sur Harriet et sa relation avec Mill. Mes élèves semblaient accrocher, surtout celles qui avaient fait des études en Sciences Politiques : elles m'ont expliqué qu'on ne leur avait jamais parlé de Harriet Taylor Mill, et pas non plus d'un livre de Mill sur L'Asservissement des femmes.
"J'ai découvert grâce à tout ça, une femme sacrément intéressante"
"Cela m'a vraiment stimulée, et je me suis dit : "Si c'est comme ça, il faut vraiment que j'aille à fond dans cette question et que je donne à Harriet Taylor Mill une place royale dans Le sexe du savoir. Car lorsque je suis rentrée de Genève, j'avais l'idée d'écrire ce livre. Je savais que cela allait être l'Everest à escalader. Et je me suis mise au boulot, ayant découvert que des restes de la bibliothèque de ces deux-là ont été légués à un College à Oxford. J'ai demandé la permission de voir la bibliothèque de Harriet Taylor et John Stuart Mill : la bibliothécaire très sérieuse m'a dit, " Oh, vous savez, It's a disgrace", c'est-à-dire, c'est vraiment des petits morceaux, il n'y a rien qui les coordonne, mais elle m'a laissé tout de même y avoir accès. Et j'ai découvert grâce à tout ça, une femme sacrément intéressante, sympathique aussi, donc je me suis mise à écrire ce que vous pouvez trouver dans Le sexe du savoir. Michèle Le Doeuff.
Sources bibliographiques
Michèle Le Doeuff, Le sexe du savoir (1998) réédition ENS Editions, 2023.
Sons diffusés
Film. Extrait De grandes espérances, réalisé par Sylvain Desclous avec Rebecca Marder, Benjamin Lavernhe, 2023
Film. Extrait Suffragette de Sarah Gavron, 2015
Musique. Dolly Parton, Just because I’m a woman
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